jeudi 11 novembre 2010

Communisme & Capitalisme ; Démocratie & Dictature ; Livre noir

Sur le net, combien de fois ais-je du répondre à des commentaires sur le communisme « intrinsèquement antidémocratique », sur les « millions de morts du communisme ». Cet article a pour but d’apporter ma réponse : pourquoi je suis profondément communiste, malgré les crimes indéniables de la dictature stalinienne et de tant d’autres…

Sommaire :




Préambule

Mon communisme est celui d’un homme du XXIème siècle. Il a pour racine le marxisme du XIXème siècle, mais s’est construit également sur l’histoire et la réflexion politique tout au long du XXème siècle, et même de ce début du XXIème siècle.
Je ne prends pas pour dogme les écrits de Marx qui ont plus de 100 ans d’âge, j’exerce également un « droit d’inventaire » sur un parti politique qui, en pratiquement un siècle d’existence, a su reconnaître ses erreurs et se transformer pour évoluer avec son temps.

Démocratie, communisme et capitalisme.

Les dictatures soit disant communiste

Le communisme réel est intrinsèquement démocratique. Par essence, aucune dictature ne peut se revendiquer du communisme. L’ex-URSS aussi bien que la Chine et leurs satellites n’étaient pas des régimes communistes, quand bien même ils en portaient le nom.
Le communisme a pour idéal d’arriver à une société sans classe sociale ; et parce que le rapport au travail est au cœur de la définition de toute société, une société sans classe nécessite le contrôle de l’outil de travail par les travailleurs eux-mêmes. Aucun de ces deux objectifs, essentiels du communisme, n’existaient en URSS, en Chine ou ailleurs
Aux classes dominantes de la Russie impérialiste qu’étaient la noblesse et la bourgeoisie, le régime stalinien a substitué une nouvelle classe dominante, la nomenklatura, les cadres du parti unique « communiste ».
Bien que nationalisée, nul ne peut dire que les entreprises appartenaient aux ouvriers, la terre aux paysans. Que le patron s’appelle « actionnaire du CAC40 », ou « commissaire politique », pour l’ouvrier, le résultat est le même : il subit dans son travail un rapport d’exploitation et de domination de même nature.
Karl Marx et Friedrich Engels eux-mêmes n’envisagaient le communisme que comme profondément démocratique. L’expression de « dictature du prolétariat » dans la bouche de Karl Marx et Friedriech Engels n’était pas en contradiction avec l’exigence démocratique [1]. Cette expression fut cependant détournée dans le marxisme-léninisme pour justifier le régime totalitaire soviétique.
En France, le PCF a proclamé son attachement à la démocratie, son indépendance vis-à-vis de l’URSS et son renoncement à la « dictature du prolétariat » en 1976, en raison du sens donné à cette expression par les régimes dictatoriaux des pays de l’est. Il serait naïf de nier qu’il existe des nostalgiques de cette période au PCF, comme il peut exister des nostalgiques de Vichy dans d’autres tendance de la politique française [7]. Mais 35 ans après, ce n’est pas le cas de l’immense majorité des militants, et notamment des nouvelles générations, entrées comme moi en politique des années après la chute du mur de Berlin.



Les démocraties communistes

Avant les années 2000

Tous les régimes communistes n’ont pas été dictatoriaux. Avant les années 2000, on peut citer trois expériences de communisme authentiquement démocratique :
  • La commune de Paris, renversée par la IIIème république naissante ;
  • La courte période du « printemps de Prague » en Tchécoslovaquie, renversée par l’URSS et les chars de l’armée rouge
  • Le Chili de Salvador Allende, renversé par les USA, via le général Pinochet et la CIA.
En faisant cette liste, la première constatation est qu’aucune de ces trois expériences n’a pu aller à son terme, toutes trois renversées par des forces extérieures. Et ces forces furent aussi bien des forces « démocratiques et capitalistes » comme la IIIème république française ou les USA que des forces dictatoriales comme l’URSS.
De ces trois expériences avortées, on ne peut donc tirer que deux conclusions : nul ne peut dire qu’il est intrinsèquement impossible pour le communisme d’être démocratique et que l’avènement d’un communisme démocratique fait peur à tous, régimes capitalistes démocratiques ou non, comme dictatures communistes.

Après les années 2000

Depuis les années 2000, des forces politiques se revendiquant du « socialisme du XXIème siècle » ont conquis de manière démocratique le pouvoir dans plusieurs pays d’Amérique Latine : le Venezuela, la Bolivie, l’Equateur et le Honduras.
Un mot sur l’expression « socialisme du XXIème siècle » pour commencer. Il ne s’agit bien sûr pas d’une référence à la sociale-démocratie incarnée en France par le Parti Socialiste. Il s’agit d’une référence à l’idéal marxiste et communiste. Cependant, l’expression « socialisme du XXIème siècle » a aussi pour but de marquer la différence avec les régimes dictatoriaux« communistes du XXème siècle », l’idéal reste le marxisme, mais les leçons de l’histoire ont été tirées
Il est également intéressant de noter que l’histoire se répète partiellement. De ces quatre pays, trois ont été victime de tentatives de coup d’état ou du moins de très fortes déstabilisations. Le Venezuela a fait l’objet d’un coup d’état qui a échoué puis d’une grève du patronat en 2002. En Bolivie, une fronde menée par les préfets de provinces sécessionnistes a mis la Bolivie au bord de la guerre civile en 2008. Au Honduras, un coup d’état a renversé le président démocratiquement élu en 2009. A chaque fois, les USA par l’intermédiaire de la CIA ont été montré du doigt, bien qu’il n’en existe aucune preuve officielle.
Aujourd’hui, le Venezuela, la Bolivie et l’Equateur, sont incontestablement des démocraties vivantes et fortes. Les élections s’y déroulent de manières libres et démocratiques, sont reconnues par la communauté internationale. [2]
Chacun appréciera le résultat des politiques menées dans ces pays à l’aune de ces convictions personnelles. Je rappellerais cependant deux éléments objectifs : la pauvreté a fortement reculé en Bolivie et au Venezuela, l’analphabétisme y a été éradiqué (selon l’UNESCO) ; objectifs que les précédents gouvernements démocratiques ont été incapable d’accomplir dans les décennies où ils avaient le pouvoir. Aucun régime n’est cependant parfait, et je ne suis moi-même pas exempt de critique vis-à-vis d’eux [3]

Les dictatures capitalistes

Les mêmes qui confondent communisme et dictature font souvent mine d’ignorer que de nombreuses dictatures se sont réclamées du capitalisme.
Franco a renversé la République Espagnole au nom de la lutte contre le socialisme. Pinochet et combien d’autres dictateurs d’Amérique Latine ont fait de même en Amérique du Sud.
Au-delà, dans la société mondialisée, peut-on qualifier autrement que de « dictature capitaliste », les nombreux régimes dictatoriaux d’Afrique qui s’inscrivent de pleins pieds dans la mondialisation et le libéralisme, sont membre de l’OMC ?

La colonisation

Le capitalisme naissant du XIXème siècle nécessitait un apport important de matières premières à bas coût pour construire la société industrielle. Ce fut le fait de la colonisation et du pillage des colonies.
Concrètement, tous les peuples colonisés au XIXème siècle et durant la première moitié du XXème siècle ont subi une oppression, une privation de liberté, une certaine forme de dictature donc, imputable à des pays capitalistes comme la France ou le Royaume-Unis.

Communisme et Capitalisme sont des systèmes économiques, démocratie et dictature sont des régimes politiques. Les deux notions sont indépendantes et peuvent se marier, la dictature capitaliste tout autant que la démocratie communiste et vice-versa.

Livre noir

Les crimes du communisme

Comme j’espère en avoir persuadé le lecteur, je ne ressens aucune filiation idéologique avec l’URSS, la Chine ou tout autre pays dictatorial se revendiquant du communisme.
Les crimes commis en URSS, en Chine et dans leurs pays satellites ont existés, ils ont été massifs, sont inexcusables. Je les condamne sans aucune ambigüité.
Mais ces crimes ont été commis par des régimes qui me sont totalement étranger. En tant que communiste français au XXIème siècle, j’en suis aussi éloigné que n’importe quel autre citoyen français, de tous bords politiques.

Les crimes du capitalisme

Si le « livre noir du communisme » a eu un certain retentissement, combien font là encore mine d’ignorer qu’un « livre noir du capitalisme » ne serait pas moins chargé d’horreur ?
Et pourtant, les crimes commis par des régimes se réclamant du communisme ont été commis par des individus ayant détourné une idéologie à leur profit. Les crimes imputables au capitalisme ont eux pour origine la nature même d’un système centré sur l’accumulation de profit, sans prendre en compte le coût humain qu’il peut impliquer.

Aux sources du capitalisme, la colonisation et la guerre qu’elle entraîne.

Comme je l’ai dit plus haut, la colonisation est la conséquence directe de l’avènement du capitalisme.
Très directement donc, tous les morts des guerres de colonisation du XIXème siècle et consécutivement des guerres de décolonisation du XXème siècle sont des morts à imputés à l’idéologie capitaliste. De la prise d’Alger à Dien Ben Phu, en passant par l’extermination de l’Empire Zoulou ou la Guerre de l’Opium, les victimes sont innombrables.

Le capitalisme porte en lui la guerre

La Première Guerre mondiale fut une guerre pour la domination des mêmes empires coloniaux. Elle fut une guerre impérialiste et capitaliste, aux victimes également innombrables.
Aujourd’hui encore, la guerre d’Irak est une guerre néocoloniale. Les armes de destructions massives furent un leurre, les contrats pétroliers et la mainmise de l’administration américaine sur l’Irak une réalité. Les centaines de milliers d’irakiens morts sous les bombes américaines ne sont pas mort pour la sécurité mondiale, ni même pour la démocratie. Ils sont morts pour les intérêts boursiers d’ExonMobile, Texaco et autres entreprises pétrolières américaines.
Le conflit israelo-palestinien n’est pas un conflit directement imputable au capitalisme . Néanmoins, les USA, de l’UE tolèrent à Israël des violations du droit international qui seraient immédiatement l’objet de très fortes sanctions pour tout autre pays du monde. Ce silence coupable a une origine : la préservation des puissants intérêts économiques américains et européens en Israël. Indirectement, le capitalisme contribue au pourrissement du conflit israelo-palestinien, avec son cortège de victimes.
La liste serait encore longue… Karl Marx le disait fort bien : « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage » (Manifeste du Parti Communiste).

La famine et la misère induite par le capitalisme

Les émeutes de la faim de 2008 dans de nombreux pays du monde ont été l’illustration « parfaite » du pouvoir mortifère du capitalisme : avec le début de la crise des « subprimes » et la chute vertigineuse de la bourse, de nombreux spéculateurs se sont retournés vers les matières premières et notamment les matières alimentaires.Conséquence directe de la spéculation boursière, le prix des denrées alimentaires dans les pays pauvres a explosé en 2008, entraînant des famines, des émeutes de la faim, mais surtout, des morts de faim.
Mais si les émeutes de la faim de 2008 ont été un « cas d’école », une illustration « parfaite », le phénomène ne saurait se limiter à l’actuel ultra-libéralisme, mais est bien aussi ancien que le capitalisme. Toutes les crises économiques, de 1929 à 2010, en passant par les krachs pétroliers ont entraîné des appauvrissements massifs des populations. Cet appauvrissement a entraîné la misère, les maladies, la faim, la mort… Ce sont les morts de faims en Afrique, les « décennies perdues » des pays d’Amérique Latine ruinés par le FMI…
Aujourd’hui, les Nations Unies estiment qu’un milliard de personnes souffrent de la faim dans le monde. Environs 6 millions d’enfants meurent de faim chaque année [3]. La FAO, organisme des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture estime qu’il lui faudrait 30 milliards de dollars par an (22 milliards d’euros) pour éradiquer durablement la faim dans le monde [5].
30 milliards de dollars à l’échelle mondiale, ce n’est rien. 22 milliards d’Euros, c’est moins que les 35 milliards d’Euros d’exonérations de charges dont bénéficient les entreprises françaises ; c’est moins que les 100 milliards d’Euros de bénéfices des 40 premières entreprises françaises. Le coût de la guerre en Afghanistan est évalué à ce jour à pratiquement 360 milliards en 10 ans, celui de la guerre en Irak à 739 milliards en 7 ans [6].
Individuellement, pour d’autres raisons, des pays comme la France ou les USA ont su mobiliser des sommes comparables, voir supérieures à celles qui seraient nécessaires aux Nations Unies pour éradiquer la faim dans le monde.Collectivement, les pays développés ont les moyens financiers d’éradiquer la faim dans le monde. Ces pays développés, ce sont également les principaux pays capitalistes.

Le management ultra-libéral

Ce n’est qu’une goutte d’eau, mais une goutte d’eau fortement symbolique. Aujourd’hui, les méthodes de management ultra-libérale développées au nom de la rentabilité financière détruisent des vies.
La partie émergée de l’Iceberg, c’est par exemple les salariés qui se suicident, à France Telecom, à Foxconn en Chine et combien d’autres moins médiatisées. Mais ce sont aussi les salariés victimes de délocalisation, dont certains se suicident, d’autres voient leur vie ruinée, ce sont les salariés victimes de stress au travail et dont la santé se dégradent…

Il ne s’agit bien sûr pas de faire une comparaison macabre, de diminuer les crimes de l’un au nom de l’importance des crimes de l’autre. Néanmoins, quand on parle des grands régimes criminels de l’histoire, on pense au nazisme, au stalinisme - à juste titre. Mais sur ce triste podium, le capitalisme a également sa place.

L’avenir est-il si radieux qu’il faille mépriser celles et ceux qui l’ont rêvé meilleur ?


[1] : Wikipedia, article « dictature du prolétariat » pour un florilège de citations sur le sujet.
[2] : Concernant le Venezuela et la liberté de la presse, il y’a débat. Les arguments « pour » la politique d’Hugo Chavez existe, malgré les fortes critiques de Reporter Sans Frontière, mais ce sera là une grande disgression.
[3] : Le rapprochement du Venezuela et dans une moindre mesure de la Bolivie avec l’Iran sur le thème de la lutte contre l’impérialisme américain n’est guère à mon goût, de même que la politique indigéniste de la Bolivie.
[6] : Chiffres : Site CostOfWar
[7] : Anecdote récente : Un maire refuse de décrocher le portrait de Pétain de sa mairie. Le Monde. 05/01/2010. Et pourtant, il ne s’agit pas de l’extrême droite.
 Pas d’accord : guerre de l’eau. Géopolitique et capitalisme +++ là encore les USA et l’UE sont impliquées pourquoi ??? l’argent et cet enjeu geopolitique.

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