lundi 1 octobre 2012

Réforme des rythmes scolaires : la municipalisation n'est pas dans l'intérêt de l'enfant !


Le débat parlementaire sur la « refondation de l’école » doit s’ouvrir au printemps. Pourtant, le gouvernement a publié fin janvier le décret modifiant les rythmes scolaires dans l’enseignement primaire, applicable dès la rentrée 2013. Ce document rencontre une vive opposition des syndicats enseignants, de profondes réserves des associations de parents d’élèves, divise profondément les maires et a reçu un avis négatif du Conseil Supérieur de l’Education National. Pour un gouvernement qui se veut le chantre du dialogue social, il peut mieux faire !
Cette réforme a un intérêt tout discutable pour le rythme des enfants et amènera à une augmentation des inégalités scolaires entre les enfants scolarisés dans des communes riches et ceux scolarisés dans des communes pauvres.
Ce n’est pas seulement une annulation de la réforme Darcos de 2008.
Avant la réforme Darcos de 2008, les élèves avaient 27 heures d’enseignement par semaine répartis sur 4 jours ½. Depuis la réforme Darcos, les élèves ont désormais 24 heures d’enseignement par semaine, répartis sur 4 jours. Avec la nouvelle réforme, les élèves auront toujours 24 heures d’enseignement par semaine, mais de nouveau répartis sur 4 jours ½, auquel il faut ajouter 3 heures d’activités périscolaires à la charge des communes. Ce qui n’est bien sûr pas du tout la même chose. Et c’est bien sur ces 3 heures d’activités périscolaires à la charge des communes, pour éviter une réforme coûteuse financièrement à l’état, que se concentrent les critiques.

Le rythme de l’enfant
La France a le nombre de jours d’école parmi les plus bas d’Europe (144 jours en France contre 190 au Royaume Unie, 208 en Allemagne) et la seule à avoir une semaine de 4 jours. Avec la réforme, la France passerait à 180 jours d’école par an, se rapprochant des standards européens, si on s’en tient au décompte du nombre de jours.
Il faut en réalité compter en heures d’enseignements. Car si la réforme étale le temps d’apprentissage hebdomadaire sur 4.5 jours, elle ne modifie en rien le nombre d’heures de classe hebdomadaire. Celui-ci est de 24 heures par semaines en France, contre 15 à 20 heures hebdomadaires en Allemagne et 21 à 25 heures (selon l’âge) au Royaume Unie. Si on raisonne en termes d’heures annuelles, la France serait donc à 864 heures/an, l’Allemagne à 570 heures à 760 et l’Angleterre de 876 à 1040 (selon l’âge). La France serait alors plutôt dans la moyenne.
La réforme augmente par contre le temps de présence à l’école de 3 heures hebdomadaires, consacrée à des activités périscolaires, dont la responsabilité repose sur les communes
Un enfant sera-t-il mieux en mesure d’apprendre s’il passe plus de temps à l’école en activité périscolaire mais autant de temps en classe ? Ou dit autrement, les activités périscolaires qui lui seront proposées seront-elles de nature à favoriser son repos et sa concentration en classe ?
On ne peut hélas pas répondre à cette question, puisque la réforme prévoit de confier la gestion de ce temps périscolaire aux communes. Ou plus exactement, il y’aura 36 000 réponses (le nombre de communes en France). Et c’est bien le principal problème de la réforme.
Une municipalisation de l’école primaire.
Les communes ont déjà une certaine responsabilité sur l’école primaire : locaux, matériels, accueil périscolaire, cantine … La réforme va plus loin en leur donnant la responsabilité de 3 heures hebdomadaires supplémentaires (à leur charge, sans compensation financière)[1] et surtout en leur donnant un large pouvoir de décision sur l’organisation de la journée de l’enfant.
Ainsi, ce sont les communes qui proposent au directeur académique le projet d’organisation et notamment les tranches horaires de ces 3 heures supplémentaires (sur la pause de midi ou en fait de journée).
Mais surtout, ce sont les communes qui organisent et financent ces activités, selon leurs moyens.
De nombreuses craintes.
La première crainte que pose cette réforme est évidemment celles des inégalités territoriales. Une commune « riche » sera vraisemblablement en mesure de proposée des activités éducatives intéressante en faisant intervenir ses nombreux intervenants culturels et sportifs : animateurs sportifs, conservatoire, bibliothèque, on peut imaginer beaucoup de choses enrichissante pour les enfants
Mais pour les communes « pauvres » ou tout simplement pour les petites communes de campagne dont les moyens sont à la mesure de la faible taille de leur population et l’importance de leur territoire ?
Les inégalités territoriales, qui sont sans doute le premier facteur d’échec scolaire seront renforcées et non affaiblies par cette réforme.
Il faut également ajouter qu’il est prévu des temps périscolaires de 30mn à 1 heure selon la formule retenue, et sans locaux spécifiques. Ils devront avoir lieu au choix dans les salles de classes où dans la cours. Aussi doué soit-il, un animateur sportif ne peut pas faire de miracles dans une cour de récréation au lieu de son gymnase et tous les équipements sportifs associés. Il en va de même pour des professeurs de musiques, qui seront bien en peine d’amener tous leurs instruments, etc … D’autant que la faible durée de ce temps périscolaire (30 mn à 1 heure par jour) sera sans doute trop faible pour être dans la construction d’une activité élaborée. Et on est également en droit de se demander ce que feront les enseignants n’ayant plus accès à leur salle de classe durant ce temps périscolaire ? En tout cas, pas préparer leurs enseignements, puisqu’ils n’auront pas de lieux pour le faire.
Une autre réforme aurait été possible.
Le gouvernement a voulu proposer une réforme des rythmes scolaires à coût nul (politique d’austérité oblige) du moins pour lui, car elle sera coûteuse pour les communes. Il en résulte qu’il n’a pas touché à deux points essentiels : le nombre d’heures de classe annuel et les vacances.
Sans doute aurait-il dû intégrer ces deux paramètres. Si réellement il fallait revenir à 4.5 journées de classe par semaine, sans doute fallait-il également revenir à 27 heures de classe par semaine également, ce qui était la norme avant la réforme Darcos de 2008. Il aurait alors été de la responsabilité des enseignants de gérer leur temps d’apprentissage, d’étaler la même quantité d’enseignement sur un temps plus long, avec une égalité sur tout le territoire, ce qui aurait été plus favorable aux enfants. Les enseignants sont sans doute les mieux placés pour mettre en place différents temps et rythmes d’activités et d’enseignements pour les enfants, selon leur âge et la réalité de leur classe.
On aurait éventuellement pu se poser la question d’une réduction des vacances d’été, dont la longueur excessive n’est en rien nécessaire au rythme de l’enfant, bien au contraire. Ou même du « zonage » des vacances d’automne, de printemps et d’hivers, de pâques …

[1] La réforme prévoit une compensation financière de 50€ par enfant (95€ en ZEP) … la première année, pour les communes mettant en œuvre la réforme dès 2013. Mais à partir de 2014, il n’y aura plus aucune compensation financière à ce transfert de charges.

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