L’incendie de Notre-Dame de Paris a donné lieu à toutes les
exagérations. A commencer par l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron,
prenant le ton mélodramatique qui sied à un attentat terroriste majeur ou une
catastrophe naturelle de grande importance. A l’inverse, les réseaux sociaux se
font l’écho de militants d’extrême gauche pour qui Notre-Dame ne serait « qu’un tas de vieille pierre » ne
méritant même pas une larme. Je voudrais par ce texte exprimer la juste place
que doit prendre cet évènement à mes yeux.
Notre-Dame fait partie
du Patrimoine Mondial de l’Humanité. Non, ce n’est pas juste un tas de vieille
pierre, c’est un élément majeur de la culture, de l’histoire et de l’art de
l’Europe du Moyen-Age et à ce titre, ses dégâts peuvent légitimement émouvoir
dans le monde entier. De même que la destruction d’une partie des
manuscrits de Tombouctou, des Bouddhas de Bâmiyân, des cités antiques de Syrie
ou du Yemen… Bien évidemment, les
dommages de Notre Dame affectent plus particulièrement les français, et les
bouddhas de Bâmiyân les Afghans. Chacun s’émeut plus de ce qu’il a pu voir et
toucher que de ce qu’il ne connaît que par les livres et les photos.
« Lorsqu’on est de gauche, lorsqu’on est anti-capitaliste,
on ne devrait pas dire que pour les plus pauvres, il ne faut prioriser que la
satisfaction des besoins matériels immédiats et que l’accès aux loisirs, à la
culture, à la connaissance ne devraient pas être réservés aux seuls classes
supérieurs. »
On a plus lire, notamment sur les
réseaux sociaux que l’argent nécessaire à la reconstruction de Notre-Dame
serait plus utile à la reconstruction de l’hôpital public, à l’hébergement
d’urgence des sans-abris... Je ne partage pas ce point de vue.
Un état, un gouvernement, ne se doit pas seulement d’assurer uniquement
les besoins matériels de sa population : nourriture, logement, travail,
santé… Il se doit aussi d’assurer ses aspirations aux loisirs, à la culture, à
la connaissance. Pour se développer harmonieusement, un être humain doit
pouvoir assurer ces deux types de besoins matériels et intellectuels.
Lorsqu’on est de gauche,
lorsqu’on est anti-capitaliste, on ne devrait pas dire que pour les plus
pauvres, il ne faut prioriser que la satisfaction des besoins matériels
immédiats. Même s’ils sont impérieux et que l’accès aux loisirs, à la culture,
à la connaissance ne devraient pas être réservés aux seuls classes supérieurs.
C’est tout l’enjeu de la lutte
contre le modèle capitaliste, que de dire que notre société a en elle la
richesse pour satisfaire tous les besoins, à la fois les besoins matériels et
les besoins intellectuels ; et qu’il faut aller chercher ses richesses là
où elles sont pour le bien de tous. Céder à ceci en disant qu’il faut orienter
toutes les ressources de l’état uniquement vers la lutte contre la misère,
c’est indirectement reconnaître le fait que l’Etat ne peut pas être sur tous
les fronts, c’est reconnaître que l’austérité est une réalité qui s’impose à
tous et qu’il ne nous reste plus qu’à gérer la pénurie. Je m’y refuse.
Oui, il faut reconstruire Notre
Dame. C’est un pan du patrimoine mondial de l’Humanité, et c’est le devoir
régalien de l’Etat d’en assurer la restauration, avec le soutien de la
communauté internationale comme l’UNESCO dont c’est la charge l’a déjà promis.
Et c’est notre aspiration légitime que de pouvoir à nouveau admirer ses
arcades, se promener sous sa voute et nous enrichir de ce témoignage de
l’histoire de l’architecture et de l’art, du plus humble au plus riche.
Mais il faut replacer ce devoir
de l’Etat à sa juste place parmi ces très nombreux autres devoirs. Il n’a ni
vocation à devenir la priorité numéro un du gouvernement, ni vocation à être
repoussé aux calendes grecs. Notre pays est assez riche et assez fort pour
pouvoir inscrire cette action supplémentaire dans la durée sans renier sur
autre chose.
« s’il est légitime que la fortune des
plus riche serve à l’intérêt collectif, ce n’est pas à eux de décider dans
quelle proportion il doit aller à Notre Dame et dans quelle proportion, il doit
permettre de financer l’hôpital public par exemple. »
Alors oui, il y’a quelque chose
d’indécent au flot d’argent qui s’abat sur Notre-Dame. Il est indécent que le
Président de la République annonce les yeux embués de larme la restauration de
Notre-Dame… pour les Jeux Olympiques de 2024. Il est indécent que les premières
« cagnottes » aient ouverte alors même que les pompiers surveillaient
toujours les cendres encore brulante de peur que le brasier ne reprenne.
L’évaluation des dommages n’a pas encore commencé, le coût pour le restauré
n’est même pas encore évalué…
Mais le plus indécent, ce sont
sans doute les sommes faramineuses que quelques-uns des ultra-riches promettent
de donner pour Notre Dame. En une journée, c’est prêt d’un milliard de dons…
Je disais plus haut que notre
pays est assez riche pour gérer de front la lutte contre la misère et la
défense du patrimoine culturel, si on va chercher l’argent là où il est. Et les
plus riches de notre pays viennent de nous en donner la démonstration. Mais par
contre, s’il est légitime que la fortune des plus riches serve à l’intérêt
collectif, ce n’est pas à eux de décider dans quelle proportion il doit aller à
Notre Dame et dans quelle proportion, il doit permettre de financer l’hôpital
public par exemple.
Alors oui, pour
reconstruire Notre Dame comme pour sauver l’Hôpital public, ne demandons pas la
charité aux plus riches, mais exigeons qu’ils payent ce qu’ils doivent, à
commencer par le rétablissement de l’ISF !
Pour aller plus loin, le
rétablissement de l’ISF apporterait 3 milliards d’Euros par an au budget de
l’Etat. En imaginant, car personne n’en sait rien à ce stade, que le coût de la
reconstruction de Notre Dame soit d’environ 1 milliard, et qu’il faudrait 7 ans
pour la reconstruire, cela veut dire qu’il faudrait prélever au budget de
l’Etat environs 150 millions d’euros par an pour reconstruire Notre Dame. Soit
environ 5% du montant de l’ISF rétablit !
Alors oui, exigeons des plus riches qu’ils contribuent à la solidarité
nationale, en rétablissant l’ISF ! Et que 5% de cet impôt soit fléchés
vers Notre Dame, et les 95% restant pour lutter contre les inégalités, la
misère, la destruction des services publics…
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