jeudi 18 avril 2019

Faut-il reconstruire Notre-Dame quand on est anticapitaliste ?


L’incendie de Notre-Dame de Paris a donné lieu à toutes les exagérations. A commencer par l’intervention télévisée d’Emmanuel Macron, prenant le ton mélodramatique qui sied à un attentat terroriste majeur ou une catastrophe naturelle de grande importance. A l’inverse, les réseaux sociaux se font l’écho de militants d’extrême gauche pour qui Notre-Dame ne serait « qu’un tas de vieille pierre » ne méritant même pas une larme. Je voudrais par ce texte exprimer la juste place que doit prendre cet évènement à mes yeux.

 



Notre-Dame fait partie du Patrimoine Mondial de l’Humanité. Non, ce n’est pas juste un tas de vieille pierre, c’est un élément majeur de la culture, de l’histoire et de l’art de l’Europe du Moyen-Age et à ce titre, ses dégâts peuvent légitimement émouvoir dans le monde entier. De même que la destruction d’une partie des manuscrits de Tombouctou, des Bouddhas de Bâmiyân, des cités antiques de Syrie ou du Yemen…  Bien évidemment, les dommages de Notre Dame affectent plus particulièrement les français, et les bouddhas de Bâmiyân les Afghans. Chacun s’émeut plus de ce qu’il a pu voir et toucher que de ce qu’il ne connaît que par les livres et les photos.



« Lorsqu’on est de gauche, lorsqu’on est anti-capitaliste, on ne devrait pas dire que pour les plus pauvres, il ne faut prioriser que la satisfaction des besoins matériels immédiats et que l’accès aux loisirs, à la culture, à la connaissance ne devraient pas être réservés aux seuls classes supérieurs. »

On a plus lire, notamment sur les réseaux sociaux que l’argent nécessaire à la reconstruction de Notre-Dame serait plus utile à la reconstruction de l’hôpital public, à l’hébergement d’urgence des sans-abris... Je ne partage pas ce point de vue.

Un état, un gouvernement,  ne se doit pas seulement d’assurer uniquement les besoins matériels de sa population : nourriture, logement, travail, santé… Il se doit aussi d’assurer ses aspirations aux loisirs, à la culture, à la connaissance. Pour se développer harmonieusement, un être humain doit pouvoir assurer ces deux types de besoins matériels et intellectuels.

Lorsqu’on est de gauche, lorsqu’on est anti-capitaliste, on ne devrait pas dire que pour les plus pauvres, il ne faut prioriser que la satisfaction des besoins matériels immédiats. Même s’ils sont impérieux et que l’accès aux loisirs, à la culture, à la connaissance ne devraient pas être réservés aux seuls classes supérieurs.



C’est tout l’enjeu de la lutte contre le modèle capitaliste, que de dire que notre société a en elle la richesse pour satisfaire tous les besoins, à la fois les besoins matériels et les besoins intellectuels ; et qu’il faut aller chercher ses richesses là où elles sont pour le bien de tous. Céder à ceci en disant qu’il faut orienter toutes les ressources de l’état uniquement vers la lutte contre la misère, c’est indirectement reconnaître le fait que l’Etat ne peut pas être sur tous les fronts, c’est reconnaître que l’austérité est une réalité qui s’impose à tous et qu’il ne nous reste plus qu’à gérer la pénurie. Je m’y refuse.

Oui, il faut reconstruire Notre Dame. C’est un pan du patrimoine mondial de l’Humanité, et c’est le devoir régalien de l’Etat d’en assurer la restauration, avec le soutien de la communauté internationale comme l’UNESCO dont c’est la charge l’a déjà promis. Et c’est notre aspiration légitime que de pouvoir à nouveau admirer ses arcades, se promener sous sa voute et nous enrichir de ce témoignage de l’histoire de l’architecture et de l’art, du plus humble au plus riche.

Mais il faut replacer ce devoir de l’Etat à sa juste place parmi ces très nombreux autres devoirs. Il n’a ni vocation à devenir la priorité numéro un du gouvernement, ni vocation à être repoussé aux calendes grecs. Notre pays est assez riche et assez fort pour pouvoir inscrire cette action supplémentaire dans la durée sans renier sur autre chose.

« s’il est légitime que la fortune des plus riche serve à l’intérêt collectif, ce n’est pas à eux de décider dans quelle proportion il doit aller à Notre Dame et dans quelle proportion, il doit permettre de financer l’hôpital public par exemple. »

Alors oui, il y’a quelque chose d’indécent au flot d’argent qui s’abat sur Notre-Dame. Il est indécent que le Président de la République annonce les yeux embués de larme la restauration de Notre-Dame… pour les Jeux Olympiques de 2024. Il est indécent que les premières « cagnottes » aient ouverte alors même que les pompiers surveillaient toujours les cendres encore brulante de peur que le brasier ne reprenne. L’évaluation des dommages n’a pas encore commencé, le coût pour le restauré n’est même pas encore évalué…

Mais le plus indécent, ce sont sans doute les sommes faramineuses que quelques-uns des ultra-riches promettent de donner pour Notre Dame. En une journée, c’est prêt d’un milliard de dons…
Je disais plus haut que notre pays est assez riche pour gérer de front la lutte contre la misère et la défense du patrimoine culturel, si on va chercher l’argent là où il est. Et les plus riches de notre pays viennent de nous en donner la démonstration. Mais par contre, s’il est légitime que la fortune des plus riches serve à l’intérêt collectif, ce n’est pas à eux de décider dans quelle proportion il doit aller à Notre Dame et dans quelle proportion, il doit permettre de financer l’hôpital public par exemple.
Alors oui, pour reconstruire Notre Dame comme pour sauver l’Hôpital public, ne demandons pas la charité aux plus riches, mais exigeons qu’ils payent ce qu’ils doivent, à commencer par le rétablissement de l’ISF !

Pour aller plus loin, le rétablissement de l’ISF apporterait 3 milliards d’Euros par an au budget de l’Etat. En imaginant, car personne n’en sait rien à ce stade, que le coût de la reconstruction de Notre Dame soit d’environ 1 milliard, et qu’il faudrait 7 ans pour la reconstruire, cela veut dire qu’il faudrait prélever au budget de l’Etat environs 150 millions d’euros par an pour reconstruire Notre Dame. Soit environ 5% du montant de l’ISF rétablit !

Alors oui, exigeons des plus riches qu’ils contribuent à la solidarité nationale, en rétablissant l’ISF ! Et que 5% de cet impôt soit fléchés vers Notre Dame, et les 95% restant pour lutter contre les inégalités, la misère, la destruction des services publics…


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